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Le capitalisme peut-il être « refondé » ? Probablement pas plus que Nicolas Sarkozy…

Submitted by on 29 octobre 2008 – 19 h 44 min2 Comments

Il y a quelques années, il y avait une jeune femme pleine de finesse et d’ qui faisait, à la télévision, la critique des films de cinéma. Elle adoptait volontairement la posture de la speakerine « années 70 », blonde et mononeuronale. Il y eut un épisode mémorable où ladite jeune fille expliquait : « ce film est fantastique, c’est l’attachée de qui me l’a dit ». A l’époque, c’était drôle. Aujourd’hui, un peu moins. Car le journalisme « c’est l’attachée de presse qui me l’a dit » s’est généralisé. La presse se contente dans sa grande majorité d’un rôle de caisse de résonance. Elle dit ce que l’attachée de presse, le ministre, le président, le patron d’entreprise [insérez ici ce qui vous semble le plus approprié] lui a dit. Et quand elle ne répète pas les inepties qui lui sont servies par les services de communication, elle donne la parole aux acteurs et n’ajoute ni commentaire, ni mise en perspective, ni critique. Si l’attachée de presse me l’a dit, « c’est que c’est vrai ». Non ?

Episode comique l’autre soir sur BFM. Un jeune journaliste économique annonce qu’ADP a procédé à un échange de participations avec un aéroport néerlandais. Et ajoute qu’ADP se félicite de cette opération. Suivent quelques images du patron d’ADP en marge de sa conférence de presse. Le patron dit qu’il se félicite de cette opération. Fin de l’histoire, on passe à un autre sujet. Peut-on imaginer que le patron d’ADP dise autre chose ?

Ce processus du journalisme « c’est l’attachée de presse qui me l’a dit » bat sont plein en cette période troublée de crise financière. La finance, c’est un peu comme l’informatique. C’est magique. On y comprend rien et on se demande comment ça peut bien fonctionner. Trop compliqué coco. Alors les journalistes qui doivent en parler simplifient. Vulgarisent. Quand ils sont assez bons pour le faire. Pour ceux qui n’y comprennent rien de plus que ce qu’ils lisent chez leurs confrères des canards financiers, le journalisme « c’est le ministre qui me l’a dit » se propage à la vitesse du TGV en mode test de vitesse maximale.

Essayons de vulgariser en quelques mots… L’économie et la finance, bien entendu, sont un peu comme une balance à multiples plateaux que l’on ne pourrait jamais équilibrer. Pourtant, tout le monde veut que cette balance soit en position neutre. En macro économie, par exemple, il y a ceux qui lâchent les cordons de la bourse pour rééquilibrer le mais découvrent que le plateau « hausse des prix » augmente. Toute autre combinaison produit des effets collatéraux non souhaités. Mais chacun tente sa martingale. Et comme l’économie se veut une science exacte (que de modèles mathématiques ont été développés…) chaque homme politique, conseillé par un marabout (financier) personnel tente sa chance sur ce grand casino. Pourtant, comme toutes les martingales pour la roulette… ça ne marche pas.

Dernier en date, notre bon président. Et que dit la presse de ce qu’il fait ? Qu’il est « volontariste », qu’il déploie une « grande énergie » pour résoudre la crise et « refonder le capitalisme mondial ». Pas moins.

Le journalisme du « ce sont les spin doctors du président me l’ont dit » est au mieux de sa forme.

Le président est « volontariste » ? Une évidence. Quel homme politique ne l’est pas ? Il faut imaginer un homme ou une femme politique qui penserait que sa volonté d’imposer les changements auxquels il/elle aspire ne peut rien contre les autres facteurs. Improbable. Que dit le dictionnaire du mot « volontarisme » ? « Tendance à croire (notamment en politique) que la volonté humaine est capable d’imposer le changement ; thèse, tendance selon laquelle la volonté humaine l’emporte sur toutes les autres facultés, sur le réel, sur les événements, dans l’État et la . »

Appliquée à l’hôte de l’Elysée, cette définition prend un caractère comique non négligeable. Mais c’est une autre histoire.

Yakayaka !

Il déploie une grande énergie pour résoudre la crise ? Encore une fois, s’il restait cloîtré comme il le faisait au début de la crise, il y aurait du monde pour le lui reprocher. Mais tout cela ne permet pas de résoudre une crise. Entre dire que l’on veut sortir le monde de la crise à base de « yakayakas » (y’a qu’à “refonder”) et y parvenir, il y a un univers. Que le mari de Bruni doit commencer à mesurer. Plus il annonce d’aides visant à restaurer la confiance, plus les marchés plongent. Peut-être les acteurs des marchés perçoivent-ils dans la fébrilité permanente du président une forme d’aveu que la situation est terriblement grave ? Hier des milliards pour les , aujourd’hui des crédits d’impôts pour les entreprises, demain un fonds souverain, le tout se chiffrant en dizaines ou centaines (qui a fait le compte ? [1]) de milliards d’euros… Et rien n’y fait si l’on en croit l’un des récents titres des déprêches AFP sur les marches : « Plongeon des Bourses européennes et asiatiques, paniquées par la récession ». Visiblement, le « choc de confiance » que le président voulait créer en début de mandat (et il était déjà très volontariste, il croyait vraiment qu’il parviendrait à ses fins) n’a pas donné les résultats escomptés. Ou alors, c’est le mot choc de l’expression de ses spin doctors qui a été retenu, l’autre ayant été oublié.

Et maintenant, le meilleur… « Refonder le capitalisme »

Alors que toute personne ayant deux ou trois notions de finance ou d’économie sait pertinemment que les politiques ont perdu la main sur les marchés depuis des lustres, notre hôte de l’Elysée parade devant toutes les caméras qu’il trouve pour expliquer qu’il va « refonder » le capitalisme.

Mais que va-t-il faire ? Car au delà des déclarations d’intention, s’il ne veut pas que l’opinion publique se rende compte trop vite qu’il ne s’agit là que de mots – et tout le monde sait que l’on ne se paye pas de mots -, il va bien falloir agir. Ou faire semblant.

Donc, la mari de Carla Bruni lâche une ou deux informations ici où là. Il va lutter contre les parachutes dorés. Mais encore ? Parce que le fait d’interdire (on peut rêver) les parachutes dorés ne suffira pas à éviter la prochaine crise. Pas besoin d’être un marabout pour le savoir.

Alors revenons aux mots du président. Ceux qu’il a tenus, par exemple, devant le Parlement européen le 21 octobre.

« … tout ceci, c’est de la gestion de crise, Monsieur le Président. Ce n’est rien d’autre que de la gestion de crise. Ce n’est pas plus. Si on ne l’avait pas fait, qu’est-ce qui se serait passé ? Mais il reste à apporter les vraies réponses. Comment tout ceci a-t-il pu être possible ? Comment éviter que tout ceci ne se reproduise ? Est-ce que l’ a des idées à défendre ? Une politique à proposer ? Et c’est dans ce cadre qu’au nom de l’, à l’Assemblée générale des Nations Unies, début septembre, j’ai proposé qu’on tienne un sommet international pour porter les bases d’un nouveau Bretton Woods, par référence à ce qui s’était passé au lendemain de la guerre mondiale, – la seconde – pour porter un nouveau système financier mondial. Cette idée progresse. Quel doit être l’objectif de l’ dans le cadre de ce sommet ? L’ doit porter l’idée d’une refondation du capitalisme mondial. Ce qui s’est passé, c’est la trahison des valeurs du capitalisme. Ce n’est pas la remise en cause de l’économie de marché. Pas de règles, la récompense de spéculateurs au détriment d’entrepreneurs… Nous devons porter l’idée d’une nouvelle régulation. L’ doit proposer ces idées et elle les proposera ».

Réguler quoi, et comment ?

Passons sur le couplet visant à dédouaner le capitalisme. L’économie de marché est parfaite, elle a simplement été dévoyée. Soit. Il faut donc désormais plus de régulation. C’est un changement profond de doctrine. Pour autant, il convient de savoir quel type de régulation. Pour quoi faire et surtout, s’il est possible de réguler une économie de marché comme celle qui s’est développée à l’échelle mondiale ces dernières années.

« D’abord, qu’aucune banque qui bénéficie de l’ des Etats ne puisse travailler avec des paradis fiscaux. Qu’aucune institution financière, Monsieur le Président, ne puisse travailler sans être soumis à une régulation financière. Que les « traders » voient leur système de rémunération calculé et organisé de façon à ne pas pousser à la prise de risques inconsidérés, comme ce que nous avons vu. Que les règles comptables de nos banques n’accusent pas la gravité de la crise, mais au contraire permettent de l’accompagner. Que le système monétaire soit repensé entre des taux de change fixes. On a tout essayé dans le monde. Est-ce que le reste du monde peut continuer à porter les déficits de la première puissance mondiale sans avoir un mot à dire ? La réponse est clairement non. Il ne sert à rien, d’ailleurs, de désigner un coupable. Il sert simplement de trouver les voix et les moyens pour que cela ne se reproduise plus ».

A qui le mari de Carla Brnui veut-il faire croire qu’une telle crise serait évitée si les banques qui bénéficient de l’argent public ne pouvaient travailler (aussi) dans des paradis fiscaux ? Ou que si les bonus des traders étaient réduits, tout irait mieux ? A Mme Michu peut-être. A la presse sans doute, y compris « de gauche », elle qui le trouve si « volontariste ». Pas aux experts. Le problème de cette crise, c’est que les financiers (au sens large) peuvent, sans que personne ne s’y oppose, transformer du blé ou du cacao (ou toute autre chose) en outil financier de spéculation. Il y a quelques années, j’observais avec consternation des gens regarder les prévisions de cyclones pour les 6 mois à venir au dessus de l’Amérique Latine afin de mieux spéculer à la baisse ou à la hausse sur les cours du cacao. Imaginez les paysans qui cultivent leur cacao et qui tout d’un coup voient le cours plonger alors qu’ils attendent une bonne récolte. Ben oui mon bon monsieur, si un cyclone avait été prévu au dessus de votre champ, le cours de votre cacao aurait grimpé. Pas de bol, là vous allez récolter tranquille. Je sais, de toutes façons en cas de cyclone, vous n’auriez rien vendu non plus. Bref, pas moyen de gagner sa vie tranquille, pour la simple et bonne raison que quelques encravatés qui ont inventé des options tordues scrutent la météo à 6 mois. Et vous ne savez même pas qu’ils existent.

« Le Président des Etats-Unis et les représentants de l’Europe ont donc proposé la tenue de plusieurs sommets à partir de la mi-novembre, qui porteront sur une nouvelle régulation, une nouvelle gouvernance mondiale. Je souhaite que l’Europe puisse en débattre. J’aurai l’occasion de proposer à mes partenaires, chefs d’Etat et de , une réunion pour préparer ces sommets. Cette question de la refondation de notre capitalisme et de notre système international est un sujet pour le Parlement européen qui doit en débattre, qui doit porter ces idées. Et l’Europe doit parler d’une même voix pour avoir une chance de se faire entendre ».

Ca va « refonder » grave, ça va réguler à fond, mais comment ? Jusqu’ici… Mystère… Quand bien même les annonces à venir parvenaient à calmer les bouillants financiers, leurs mouvements erratiques et à restaurer la « confiance », ce ne serait qu’un moyen de reculer pour mieux sauter. Pourquoi ? Simplement parce que les financiers ne rêvent que d’une chose. Pourvoir repartir au boulot. Et leur boulot, c’est de spéculer (voir ce qui se passe lorsque les marchés subissent – comme actuellement – des « rebonds techniques »). Pas de financer l’économie réelle. Ca, c’est un effet collatéral de leur business. On peut le déplorer, mais c’est ainsi. Il est donc possible que les annonces – ou simplement le fait que les acteurs des marchés estiment que l’on a atteint un plus bas propice aux bonnes – permettent d’endiguer le pessimisme ambiant. Dans ce cas, les bourses remonteraient, les économies repartiraient doucement et un nouveau cycle commencerait. Jusqu’à la prochaine crise. Car il ne faut pas en douter, une fois le calme revenu, personne ne se risquera à poser des contraintes violentes et nécessaires pour contrôler les errements des financiers, au risque de les voir déprimer à nouveau.

Dans cette crise financière, ce qu’il faut retenir, c’est que les financiers ont réussi un coup formidable. Faire suffisamment peur aux politiques (avec le risque systémique qui ne peut que finir par de belles révolutions) pour leur faire renier leurs convictions les plus intimes et les forcer à sortir des milliards par milliers pour éponger leurs conneries. Généralement, quand une entreprise se plante, elle ferme. Pas les banques. Ou si rarement.

« Moi, je demande que chacun d’entre nous nous réfléchissions à l’opportunité qu’il pourrait-y avoir à créer, nous aussi, des fonds souverains dans chacun de nos pays et peut-être que ces fonds souverains nationaux pourraient, de temps à autre, se coordonner pour apporter une réponse industrielle à la crise ? »

Oh ! Un fonds souverain ! Pourquoi diable n’y avait-on pas pensé plus tôt. Voilà qui va changer la face du capitalisme…

Quelle « vision », comme on dit outre-Atlantique. Et quelle chance les Français ont-ils d’avoir élu à ce poste le mari de Carla Bruni. De fait, il vont s’en souvenir longtemps. Et leurs enfants aussi.


Notes :

[1] Pour l’instant on en est à peu près à 500 milliards qui viendront probablement plomber un peu plus la dette de l’Etat déjà en « faillite » selon les mots du premier ministre

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