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Trop fastoche

Submitted by on 23 février 2009 – 20 h 45 minNo Comment

Le Monde nous a gratifiés il y a quelques jours d’un éditorial passionnant. Son objet ? Le livre de Pierre Péan « Le monde selon K. ». Son titre ? « Derrière le scoop, un mélange nauséabond ».

Le Monde reprend dans son article l’argumentation de Bernard Kouchner pour se défendre des accusations portées par Pierre Péan dans son livre. A savoir, Pierre Péan est antisémite.

Pierre Péan sombrerait donc dans une sorte de marécage « nauséabond ».

En fait, la démarche du Monde et de Bernard Kouchner n’est pas seulement (justement) « nauséabonde », elle est « trop fastoche ».

Citons Le Monde : « le Rwanda permet d’étayer une autre obsession de l’auteur : l’origine juive de Bernard Kouchner constituerait « le principal moteur de ses actes ». Si cela était avéré, serait-ce un crime ? Après l’anti-France et le goût pour l’, voilà le ministre présenté en adepte d’un « cosmopolitisme anglo-saxon, droit-de-l’hommiste et néolibéral ». Un mélange nauséabond qui en dit davantage sur l’auteur que sur sa cible et jette le trouble sur le premier « scoop » du livre. »

Il convient peut-être de rappeler que Pierre Péan est le co-auteur d’un livre très dur à l’encontre du Monde et de sa gestion précédente, sous le règne Minc/Colombani/Plenel. Ce livre a participé à la chute du trio et profondément secoué la rédaction du journal. On imagine dès lors qu’il est très difficile pour les journalistes du quotidien d’avoir une approche impartiale d’un livre de Pierre Péan. Possible, mais complexe.

Au delà de cette considération, le passage de cet éditorial, cité ci-dessus, mérite quelque attention.

« l’origine juive de Bernard Kouchner constituerait « le principal moteur de ses actes ». »

Cette assertion est fausse. Plus précisément, elle est partiale et déforme le contenu du livre. Ce que dit le livre -en résumé- est que Bernard Kouchner instrumentalise volontiers le terme « génocide » pour créer un choc dans l’esprit des populations et mettre en branle un tapage médiatique visant à définir de manière irréfutable qui sont les « méchants » et qui sont les « gentils » dans un conflit. Cette démarche évite de perdre du temps en réflexion et favorise une vision manichéenne du monde et des conflits. On se souvient de la démarche de George Bush après le 11 septembre : l’axe du bien et l’axe du mal. Des termes qui :

plaçaient les Etats-Unis et ceux qui les suivraient en champions du bien et de la morale,
ne laissaient aucune chance de rédemption pour les « méchants »,
renvoyaient – à dessein – à une terminologie ayant marqué les esprits depuis la deuxième guerre mondiale

« Si cela était avéré, serait-ce un crime ? »

Non. Bien entendu. Ce qui est détestable, c’est d’instrumentaliser la Shoah. Et tous ceux qui ont perdu la vie, tous ceux qui ont subi pendant des générations les conséquences de cette horreur. Cette démarche est détestable en ce qu’elle banalise un crime ayant fait plus de 5 millions de mort. La Shoah n’est pas « que » le résultat d’une idéologie Nazie. Elle est l’aboutissement de siècles d’antisémitisme. Ce racisme est encore présent aujourd’hui. Il ne peut qu’être exacerbé par une telle démarche. Dans un esprit antisémite tordu, on imagine aisément le cheminement de la pensée : « ah, la preuve que les Juifs ne peuvent être critiqués, ils ont des appuis dans la et s’abritent derrière la Shoah », etc.

« Après l’anti-France et le goût pour l’argent, voilà le ministre présenté en adepte d’un « cosmopolitisme anglo-saxon, droit-de-l’hommiste et néolibéral ». »

Sauf erreur, à aucun moment Pierre Péan n’utilise le terme d’anti-France (lui aussi fortement connoté). Pierre Péan souligne dans son pamphlet (le terme pamphlet est important) que Bernard Kouchner cultive l’alignement sur la politique américaine (notamment le besoin de guerres préventives cher aux néo-cons). Ce n’est pas du tout la même chose. Pierre Péan note qu’il est assez étonnant de vouloir faire de l’humanitaire en envoyant des bombes et des militaires.

Souvenez-vous, devant l’Assemblée Nationale, Bernard Kouchner a dit très précisément : « “Le cosmopolitisme, en des temps difficiles, ça ne vous rappelle rien ?” “Certains réseaux me détestent. Lesquels ? Certainement les nostalgiques des années 30 et 40 et tous les révisionnistes, ceux d’hier et ceux qui, aujourd’hui, réécrivent l’histoire du génocide tutsi au Rwanda” ».

Que dit exactement (le terme cosmopolitisme est employé, sauf erreur, une seule fois sur 224 pages – p.276-277) Pierre Péan ?

« En définitive, ce qu’il ne cesse d’exprimer et de partager avec l’autre Bernard, c’est bel et bien la haine du gaullisme et de la philosophie politique qu’il sous-tend : les valeurs de la Révolution française, de la Convention au Conseil national de la ; celles d’une indépendance nationale honnie au nom d’un cosmopolitisme anglo-saxon, droit-de-l’hommiste et néolibéral, fondements de l’idéologie néoconservatrice que nos “nouveaux philosophes” ont fini par railler. Objet d’une telle détestation, notre pays ne mérite plus, du coup, d’avoir une diplomatie ni une défense autonomes et souveraines. D’après cette « contre-idée de la France », notre vieux pays peut fort bien se passer d’un ministère des étrangères fort et indépendant, puisqu’il s’agit de suivre fidèlement les grandes impulsions venues de Washington. C’est plus simple et ça coûte moins cher. Le Quai d’Orsay n’a désormais plus grande utilité. Voilà pourquoi Bernard Kouchner s’est engagé dans une véritable braderie des outils d’influence et d’indépendance de la France en commençant par le démantèlement du Quai. Le ministre et ses néocons ont pris la responsabilité historique de casser le ministère, notamment en démembrant son réseau culturel et de coopération. »

Décrédibiliser le tout

S’ensuit une longue description des démarches de Bernard Kouchner visant à réduire les moyens du Quai d’Orsay. On peut disconvenir de l’aspect sacré du gaullisme ou des bienfaits de la Guillotine sur le rayonnement de la France. On peut critiquer une certaine vision (inquiétante, on peut en convenir) de la France à la limite du nationalisme qui est visiblement celle de Pierre Péan. Mais pas asséner qu’il veut dire par là – ce que sous-entendent Bernard Kouchner et Le Monde – quelque chose du genre « Bernard Kouchner est un juif cosmopolite » avec la résonance antisémite que cela implique. On notera d’ailleurs la réaction de Pierre Péan lorsque Daniel Schneidermann martèle son possible antisémitisme. Il finit par quitter le plateau avec ces mots : « il y a des trucs qui me blessent trop ».

« Un mélange nauséabond qui en dit davantage sur l’auteur que sur sa cible et jette le trouble sur le premier « scoop » du livre. » »

Conclusion de l’article fort intéressante. Dite autrement, voici ce qu’elle véhicule : « Pierre Péan est un antisémite et le reste de son livre ne peut donc être pris au sérieux ». Au passage, cela crée une suspicion sur ses autres livres.

Bien vu. C’est justement la thèse défendue par Bernard Kouchner. Ca marche. Assez bien. L’antisémitisme comme épouvantail est très efficace. Plus personne ne demande aujourd’hui à Bernard Kouchner de répondre aux questions posées par le livre.

Ne trouverait-on pas qu’un ministre érigé en emblème des « minorités visibles » et ayant échoué dans son ministère en rejette la faute sur le racisme des Français ? Peut-on s’exonérer de ses erreurs ou ses fautes au prétexte (souvent fallacieux) que le reste du monde est raciste ?

Le renversement de la faute est une défense bien pathétique qui amène a s’interroger sur la rigidité psychologique de celui qui l’utilise. Incapacité à apprendre de ses erreurs, à prendre en compte la critique, on en passe…

En outre, critiquer certaines décisions des gouvernements israéliens ou l’instrumentalisation de l’appartenance au peuple juif, le dévoiement du terme « génocide », la banalisation de la Shoah, n’a rien d’antisémite. Quoi qu’en disent Bernard Kouchner, Le Monde ou quelques tenants de l’extrême-droite israélienne et ses relais. On peut tout à la fois abhorrer l’antisémitisme et critiquer cela.

Mais revenons au livre de Pierre Péan. Quelles sont les questions laissées sans réponses par ce stratagème ?

  • Est-il acceptable que la compagne du ministre des Affaires étrangères (Christine Ockrent) soit à la tête de l’audiovisuel extérieur ?
  • Est-il acceptable que la compagne de Bernard Kouchner anime des séminaires organisés par un GIP dirigé par Bernard Kouchner ?
  • Est-il acceptable que le ministre des Affaires étrangères nomme à des postes prestigieux le patron de la de conseil pour laquelle il a travaillé lorsqu’il n’était pas ministre ?
  • Est-il normal qu’un homme politique qui occupe régulièrement des postes importants au service de l’Etat réalise des missions de consulting auprès de grandes entreprises ou d’Etat étrangers ?
  • Est-il acceptable que Bernard Kouchner nome au poste de responsable de la presse et de la communication à son cabinet, le créateur de la société de consulting pour laquelle il travaillait entre deux postes gouvernementaux ?
  • Contrairement à ce que laisse entendre Bernard Kouchner, la question n’est pas de savoir si ces actes sont légaux ou pas, rémunérés ou pas (dans le cadre par exemple de son activité au sein du GIP Esther) mais bien, si cela va de pair avec la morale républicaine et le profil de chevalier blanc qu’il s’est construit au fil des ans.

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