Le seuil de tolérance des masses est un concept intéressant. A partir de quelle situation la masse des habitants d’un pays se révolte-t-elle contre ses dirigeants ? On peut chercher des exemples (différents) comme la Commune de Paris ^[1] ou Mai 68. ^[2]

Il y a quelques signes qui pourraient laisser présager un mouvement de révolte. Le chômage est au plus haut, le pouvoir d’achat plutôt bas, les inégalités au plus haut, le mépris des politiques pour le peuple qu’ils mènent ne connaît plus de limites.

D’autres indicateurs sont plus inquiétants et ne militent pas en faveur d’une possible rébellion. Les abstentionnistes sont de plus en plus nombreux. Les politiques ont tué la politique. Dommage. la politique est un beau concept. Autre sujet d’inquiétude : les chiffres de l’audience TV. ^[3]

Lorsque l’on voit qu’il y a plus de 8 millions de personnes pour regarder Koh-Lanta, il y a de quoi désespérer de voir le même nombre de personnes dans la rue y défendre des idées.

Et pourtant, on pourrait croire que les chiffres qui pleuvent ces derniers temps auraient un petit effet sur les masses abruties de communication marketing (en lieu et place de la politique) et d’émissions intellectuelles du genre Koh-Lanta ou Nouvelle Star.

Prenons le bouclier fiscal. En 2009, quelque 16.500 contribuables en ont profité. Ce qui leur a valu un chèque moyen de 35.815 euros.

Dit comme ça, ça rentre par une oreille et ressort par l’autre. Mais 35.815 euros, c’est un salaire annuel pour 10% de la population. Et donc un salaire plutôt pas mal. D’où l’interrogation suivante : il faut gagner combien par an pour payer assez d’impôts permettant de bénéficier d’un bouclier fiscal, lui même renvoyant dans votre porte-monnaie une somme pareille ?

Les chiffres sont amusants parce que l’on peut leur faire dire n’importe quoi (y compris chez Aporismes.com). L’UMP ^[4] défend son bouclier fiscal en répétant ad nauseam que 53 % des bénéficiaires dudit bouclier ne sont pas assujettis à l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Ah. Donc il y aurait 53% de “pauvres” qui seraient “protégés” par cette mesure pensée par un président particulièrement attentif aux inégalités sociales.

Sauf que… Sauf que ces 53% “ne perçoivent que 0,8 % des restitutions totales liées au bouclier fiscal, pour un chèque moyen est de 565 euros”, comme le fait remarquer un article du Point, bien connu pour ses idées gauchistes.

Mieux : “99 % des sommes remboursées vont aux 47 % de bénéficiaires assujettis à l’ISF. Ces derniers perçoivent un chèque conséquent de 75.674 euros en moyenne.” Et “6 % des bénéficiaires, soit “le petit millier de contribuables les plus favorisés”, touchent plus de 63 % des remboursements accordés par l’État.”

Ils sont forts les Garcimore de l’UMP… “Facile !”…

Dis papa, c’est quoi un très haut salaire ?

Toujours dans ce pays, l’Insee note la chose suivante :

“En 2007, 1 % des salariés à temps complet, les mieux rémunérés du secteur privé, perçoivent un salaire annuel moyen de 215 600 euros : ce sont les très hauts salaires. C’est sept fois plus que la moyenne des salariés à temps complet.” ^[5]

Sept fois plus que la moyenne des salariés. Et par rapport aux très bas salaires ?

Le truc bien, c’est que quand on a un très haut salaire, on est très fortement augmenté. Ca va avec.

Les très petits salaires apprécieront, entre deux émissions de Koh-Lanta… Parce que chez les petits salaires, ça tourne plutôt autour de 1,9 %.

“Les très hauts salaires ont connu des trajectoires salariales individuelles particulièrement dynamiques entre 2002 et 2007. Ainsi, les salariés déjà classés THS en 2002 et qui le sont toujours en 2007, soit près de 80 % des THS de 2002 toujours en emploi en 2007, ont bénéficié d’une croissance annuelle moyenne de leurs salaires de 5,8 % en termes réels. Ceux qui ont atteint cette position dans la hiérarchie salariale sur la fin de la période, soit 28 % des THS de 2007, ont bénéficié d’évolutions encore plus substantielles (14,5 % en moyenne annuelle). Pour ces deux groupes, il s’agit d’augmentations salariales nettement supérieures à celles de l’ensemble des salariés ayant toujours eu un emploi sur la période (+ 2,3 %) ou même des seuls cadres (+ 2,9 %).”

Le 2 avril 2010 (ce n’est donc pas un poisson du même mois), l’Insee publiait une autre enquête : “Revenus et patrimoine des ménages”. Résultat ? Rien de grave  : 8 millions de personnes vivaient en France avec moins de 908 euros par mois en 2007. C’est à dire sous le seuil de pauvreté. Et ces 8 millions de personnes, ce sont 13,4 % de la population. Rien de moins.

Ce sont “les familles monoparentales, le plus souvent constituées d’une mère et de ses enfants, qui sont les plus touchées par cette pauvreté”, relève l’étude de l’Insee. On se demande bien pourquoi.

Fort heureusement, face à cette situation anecdotique, l’Elysée s’agite. On apprend que la justice, la police et les amis dans le secteur de la presse ^[6] ont été sollicités pour faire face à un complot. Mais si, il y a un complot ourdi contre la France. Ou plutôt contre son président. Mais n’est-ce pas la même chose ? Figurez-vous que des méchants ont fait courir une rumeur ^[7] selon laquelle il y aurait de l’eau dans le gaz entre Carla ^[8] Bruni et son mari.

Voilà une nouvelle qui fera oublier aux pauvres qu’ils sont pauvres, qu’ils vont le rester et même, probablement devenir plus pauvres. Chez les riches aussi on a des ennuis. Et des gros. Qui méritent la Une des journaux et la mobilisation de tous…

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